L’âme d’un terroir tout entier dans les couteaux « Le Tarn » !

C’est au cœur du département, à Saint-Gauzens, entre Graulhet et Lavaur, que Laurent Chabut a installé son atelier (appelé Vianel). Situé sur sa propriété, en pleine campagne, son espace de création lui permet de confectionner entre 150 et 200 couteaux par an. Une belle production, que l’artisan coutelier souhaite encore voir progresser. Mais après deux ans d’activité seulement, l’homme peut déjà être fier du travail accompli. Rencontre.

Une reconversion professionnelle

C’est une histoire qui commence plutôt mal. Laurent Chabut a tout simplement eu un problème de santé majeur au début de la décennie. Comme souvent dans ces moments-là, l’idée de changer de vie s’impose rapidement. Après 30 ans de chargé d’affaires dans le bâtiment second œuvre, celui qui a aujourd’hui 56 ans, doit alors se demander ce qu’il veut construire comme seconde carrière. Une question loin d’être évidente, comme il nous le dit : « Dans mon ancien métier, ça se passait bien, j’avais de plus en plus de travail et de responsabilités mais c’est vrai qu’à la réflexion, je passais beaucoup de temps au téléphone, à répondre à des mails, à circuler en voiture… Trop de temps en fait » ! On l’aura compris c’est donc un problème de rythme et pas d’épanouissement sur lequel a mis le doigt Laurent. Mais, en y regardant de plus près, il lui manquait quelque chose d’important à ses yeux : « Je ne travaillais pas assez de mes 10 doigts pour créer, fabriquer quelque chose d’utile. » exprime-t-il avec regrets.

Si la volonté de devenir artisan a été très claire, pourquoi faire le choix de la coutellerie ? Pas spécialement parce qu’il était passionné de couteaux comme il en fait l’aveu lui-même. Mais plutôt pour diverses raisons sentimentales ou même pratiques. « J’ai choisi ce domaine parce que dès mon plus jeune âge j’ai vu mon père travailler le métal. Et puis cela me permettait d’avoir un petit atelier chez moi. Cela touche aussi à de nombreux matériaux comme l’acier, le bois, les matières synthétiques, les matières animales etc.  En termes de créativité c’est infini. » explique-t-il. Et puis il faut dire que le couteau, c’est quelque chose qui lui parle beaucoup. Laurent Chabut y voit même un objet symbolique : « C‘est le prolongement de la main et le premier outil de l’homme ! Dans la culture française ça s’offre beaucoup. Même les superstitieux offrent des couteaux, en échange d’une pièce pour ne pas couper le fil de l’amitié. C’est un objet pratique et utile qu’on garde souvent toute une vie ».

Laurent Chabut – Crédits Photos : Le Tarn © ®

Un savoir-faire pour la mise en valeur du local

S’il a bien fait quelques essais en autodidacte, le néo artisan a vite compris qu’il aurait besoin d’apprendre ce nouveau métier. C’est au CFA de Thiers, le premier pôle européen de coutellerie, qu’il choisit de se former. L’endroit idéal pour apprendre les bases, du couteau fixe, aux différents modèles de couteaux pliants. C’est là-bas qu’il a écrit toutes les phases de fabrication de son premier modèle. « J’ai passé plusieurs semaines là bas. J’y allais une semaine et je revenais à mon atelier pour m’exercer. Il y a a peu près une cinquantaine d’opérations sur mon couteau pliant. Tout est écrit, tout a été répété à de nombreuses reprises sous l’œil des professeurs. » se rappelle-t-il.

C’est ainsi qu’est né « Le Tarn® » sa marque de couteau, du nom de sa première réalisation. Il s’agit d’un couteau à cran forcé, c’est à dire avec un ressort qui maintient la position ouverte mais également la position fermée. Le Tarnais le présente : « C’est un couteau que j’ai voulu régional. Un couteau que mes grands-pères paysans auraient pu avoir dans leur poche pour tout faire. Manger, travailler, tailler… Le couteau outil ». Avec un nom qui est exactement celui du département dans lequel il vit, le coutelier envoie un message fort : celui de l’amour du terroir. « J’aimerais que les Tarnais se l’approprient, même les habitants de la vallée du Tarn. Ce sont les paysans qui façonnent ces paysages. Et s’ils se reconnaissent dans mon couteau, j’aurais réussi mon pari. » espère-t-il.

Son attachement au local se voit aussi dans les matériaux qu’il utilise. Le bois par exemple… Il est souvent issu d’arbres de la région. L’artisan ne s’empêche pas aussi de se lancer quelques petits défis comme cette collaboration avec l’artiste tarnais de renom : Casimir Ferrer. Le peintre et sculpteur a accepté de lui signer une petite série de 50 exemplaires vendus au bénéfice de son association « Mille étoiles pour l’enfance ». « On a choisi un manche en bouteilles de plastique recyclées. Les bouteilles très colorées sont broyées et amalgamées à chaud dans de la résine. Cela fait un manche avec des couleurs très dynamique et cela ressemble vraiment à l’art de Casimir Ferrer. » explique le coutelier.

Une créativité toujours nourrie

Après son couteau régional, Laurent Chabut a produit de nouveaux modèles. Dernièrement on peut citer le couteau de table qui ressemble beaucoup au premier mais avec toutefois des différences notables. La lame par exemple est beaucoup plus généreuse pour qu’il en impose au milieu des autres couverts. Pour toutes ses créations, le coutelier réfléchit d’abord à la forme. Elle se décide en fonction de la prise en main souhaitée. Puis il faut dessiner et choisir évidemment l’acier idéal. « J’achète de l’acier qui est déjà allié avec des taux de chrome ou pas. Le chrome ça permet de faire de l’acier inoxydable. Les couteaux en acier inox aujourd’hui, ont des niveaux de tranchant extraordinaire. Un couteau en inox qualité alimentaire pourra même être posé sur la table d’un restaurant. » explique avec enthousiasme le Tarnais. Une fois l’alliage sélectionné viennent tout un tas d’étape telles que la découpe, le façonnage, le passage au four, le trempage dans une huile spécifique, les opérations pour redonner de la souplesse au métal, le polissage et enfin le montage des manches. Tout est fait à la main de A à Z.

Pour travailler sa créativité, Laurent arpente régulièrement les allées des salons de coutellerie (il y en aura un en mars à Portet-sur-Garonne). Entre coutellerie de chasse, couteaux tactiques, couteaux d’arts, couteaux régionaux, il y en a pour tous les goûts ! « Au départ j’étais perturbé dans ces salons. Il y avait trop d’informations. Aujourd’hui j’ai un œil plus aiguisé, je vois des choses qui m’accrochent davantage et qui m’inspire.«  estime le coutelier tarnais. « Mais il ne s’agit pas de reproduire bêtement ce qui se fait déjà, il faut trouver ce qui correspond à ce qu’on a envie de faire partager. Parce que quand on fabrique un couteau ce n’est pas pour soi, c’est pour qu’il aille dans la main de quelqu’un d’autre. » ajoute-t-il. Avec le temps et l’expérience, l’artisan gagne en aisance dans son métier. Il arrive désormais à mieux travailler les décorations, les gravures… dans l’objectif d’obtenir des finitions plus sophistiquées.

Une étape de la fabrication d’un couteau – Crédits photos : Le Tarn© ®

Alors que peut-on lui souhaiter pour l’avenir ? « La notion de plaisir c’est déjà coché à 100%. Maintenant ce qui m’intéresse c’est de m’améliorer encore et toujours. Tant que j’aurais des doigts pour travailler la matière et des yeux pour voir et bien je peux apprendre… et c’est l’essentiel. » affirme-t-il. Si vous souhaitez découvrir le travail de Laurent Chabut, vous pouvez venir visiter son atelier à St-Gauzens, sur rendez-vous. Quant à ses produits, ils sont en vente en ligne ou bien dans des magasins tels que « La Coutellerie » rue Emile Zola à Castres.

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