Jean Costumero : ce fils de mineur qui creuse l’histoire locale

À 64 ans, Jean Costumero est l’auteur de 5 grands livres d’Histoire. Il travaille actuellement sur un 6ème*. Cet enfant d’émigrés espagnols est né à Decazeville (Aveyron) à quelques mètres du puits de mine dans lequel il regardait son père descendre tous les jours. Lui et sa famille ont été naturalisés Français après de nombreuses années passées dans l’Hexagone. C’est aujourd’hui depuis Lescure d’Albigeois (Tarn) qu’il abat un travail considérable de recherches pour les partager dans ses ouvrages. Rencontre.

Son passé familial comme point de départ…

C’est au décès de son père, que Jean a commencé à nourrir un intérêt majeur pour l’Histoire. Il faut dire qu’il a fait des découvertes incroyables grâce aux pompes funèbres de l’époque. Le désormais sexagénaire a ainsi appris que son paternel avait été résistant au cours de la 2nde Guerre Mondiale. L’homme était également titulaire de la médaille du combattant volontaire et de celle de la résistance. Il avait même été cité à l’ordre de la nation. Des faits et des distinctions dont l’émigré, venu en France dans les années 30 pour travailler dans la mine, ne parlait jamais.

Quelques années plus tard, c’est le passé de sa mère dont Jean a pris connaissance. À la fin de sa vie, celle-ci a raconté son arrivée en France alors qu’elle avait 10 ans. Elle a fui, avec sa famille, la guerre en Espagne et le régime de Franco avant d’être internée dans des camps au Barcarès et à Poitiers. La réfugiée a traversé des moments douloureux : la maltraitance des camps, les têtes rasées et lavées à la paille de fer et au souffre à cause des poux ou encore la tentative de suicide de son frère. « Ces périodes importantes et marquantes de la vie des mes parents ont fait que je me suis senti investi d’un devoir de mémoire même si le terme n’est peut-être pas le bon. » explique Jean Costumero. Il ajoute : « Mon père et ma mère étaient analphabètes en Français et je me suis dit que c’était à moi de prendre la plume et de transmettre cette histoire ».

Jean Costumero en train de présenter son premier livre

… puis bien au-delà

En fouillant sa propre histoire, Jean s’est donc forcément confronté à la grande Histoire. A force de recherches et de rencontres, il a pu amasser une montagne d’informations. « Des gens ont accepté de m’ouvrir leurs portes, leurs cœurs. Ils m’ont confié des documents familiaux. Je crois qu’à un moment il faut accepté le fait qu’on est dépassé, qu’on ne travaille pas pour soi mais pour un intérêt général : celui de la mémoire. » analyse Jean Costumero.  C’est ainsi, qu’en 2011, après deux ans de travail, le Tarnais sortira un livre sur les espagnols du bassin de Decazeville. Au fil des pages, il fait revivre l’arrivée de ces émigrés et leur engagement dans la résistance locale pour libérer la France des nazis. « Il ne faut pas oublier que les premiers résistants sont souvent des étrangers qui ont fui le fascisme comme des polonais et des espagnols justement. » précise l’auteur.

Après ce premier ouvrage au retentissement très important, le deuxième s’est enchaîné presque naturellement. C’est la mairie de Decazeville qui lui a demandé d’écrire l’Histoire de la ville. C’est là que Jean a découvert le lien étroit qui existe entre la commune aveyronnaise et le Tarn. Il raconte : « L’idée de créer cette ville vient du Préfet du Tarn de l’époque qui s’appelle Decazes. Il était le petit frère du Duc Decazes, le fondateur de l’industrie minière dans l’Aveyron. Le Duc était également associé à la famille de Solages dans les mines de fer d’Ambialet dans le Tarn ».

Une carte postale de Decazeville

La mine : voilà d’ailleurs ce qui a guidé la suite des aventures rédigées de Jean Costumero. Avec un troisième livre sur la cité-jardin de Fontgrande à Saint-Benoît de Carmaux, il a rendu une nouvelle fois hommage à l’histoire locale. C’est à Fontgrande que ses parents se sont installés quand lui n’avait que 5 ans. Cette cité imaginée pour accueillir les ouvriers de la mine aura eu une part importante dans sa vie et celles de centaines de familles de mineurs.  « Quand je parle de la mine, je parle du peuple de la mine. On ne peut pas occulter cette partie de l’Histoire. Fontgrande… c’était le palace ! On était dans un autre format de paternalisme ouvrier, celui des Solages. Cette famille a mis à la disposition de la classe ouvrière minière du grand carmausin tout ce qu’il y a de plus beau. » se rappelle l’auteur. Ses recherches ont été si prolifiques et passionnantes que Jean Costumero a eu la matière pour rédiger deux livres supplémentaires sur l’histoire générale de Carmaux de 1900 à 1940.

Du vrai dans du beau

Vous l’aurez compris ce qui anime plus que tout le Tarnais, c’est de mettre en lumière les gens qui ont marqué, grâce à leur engagement, leur territoire. Celui qui n’aime pas le terme d’historien, se qualifie plutôt de « mémorialiste ». « Le fil d’Ariane de mes livres c’est de faire réexister des gens qui ont fait partie de ce qu’on pourrait appeler péjorativement « la petite histoire » et de les mettre en situation dans la grande Histoire. » estime-t-il. Grâce à ces livres très fouillés (environ 500 pages chacun), le Tarnais a su toucher le public concerné.  Ils y trouvent d’anciennes photos de classes, des anecdotes sur leurs rues ou lieux de vies… bref tout ce qui fait leur passé commun. « Beaucoup de gens me prêtent des documents. Ils sont content de les voir ensuite dans les livres et puis ces livres, à un moment ce ne sont plus les miens. Ils se les accaparent. » dit fièrement Jean Costumero.

Des mineurs de Carmaux

L’auteur aime soigner autant la forme que le fond. En collectionneur passionné de cartes postales et livres anciens notamment, il a toujours souhaité que ses réalisations soit de beaux objets. « Quand on raconte les histoires de gens, je crois qu’il faut un bel écrin. Les gens adhèrent à cette idée parce que dès qu’ils voient les livres, ils ne posent plus la question de savoir s’ils doivent l’acheter ou pas. Il le leur faut » assure-t-il. Ainsi, les ouvrages sont cousus main livre, la couverture est rigide et soignée, le papier de 135g est glacé. Tout est là pour profiter au mieux des explications de l’auteur des plus de 1000 documents que l’on retrouve dans chaque opus. Une recherche de qualité récompensée par la Bibliothèque Nationale qui a classé tous les ouvrages dans la série des très beaux livres. Enfin, Jean Costumero s’attache à réaliser un travail sérieux sur le plan historique. « Notre Histoire a été en partie déformée. Aujourd’hui c’est tout à fait possible de faire un travail de vérification grâce aux archives. Parfois les faits contredisent certains appareil politiques mais l’histoire elle est têtue et la vérité c’est la vérité. » conclut-il.

* Jean Costumero écrit actuellement un livre centré sur la résistance dans le carmausin et le ségala. Il abordera notamment les différents maquis qui ont existé dans le secteur. L’ouvrage devrait être publié d’ici 2 ans. L’auteur est à la recherche de documents détenus éventuellement par des particuliers.

Couverture du Tome 1 du Livre « Carmaux Promenade Historique »

Bibliographie de Jean Costumero :

  • De Decazeville au Val d’Aran, dans les pas d’un guerillero espagnol combattant pour la France 1939 -1945 – (2011)
  • Decazeville Promenade Historique 1800 – 1940 – (2012)
  • Fontgrande 1920 -1975 – (2016)
  • Carmaux, Promenade Historique 1900 – 1940 / Tome 1 – (2021)
  • Carmaux, Promenade Historique 1900 – 1940 / Tome 2 – (2022)

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