Une troupe castraise va participer au plus grand concours de danse tahitienne en Europe : le Heiva I Paris
Elles seront 10 à vivre cette aventure ensemble ce vendredi et samedi (23 et 24 février). En réalité, l’aventure en question a commencé il y a plus d’un an pour elles. Des mois de préparation physique et mentale, de communication aussi. L’occasion pour Tarn Me Up de mettre en valeur une discipline artistique et sportive qui a trouvé toute sa place à Castres.
La passion d’une femme
Si on veut vraiment chercher à comprendre comment ces 10 femmes seront sur la scène d’un grand concours de danse tahitienne ce week-end, il faut d’abord s’intéresser à la personnalité de la directrice de leur école : Krystel. Cette métissée polynésienne est née à Castres. Depuis sa plus tendre enfance, elle est mordue de danse. « Je ne me souviens pas si j’ai marché en premier ou dansé en premier. » dit-elle, le sourire aux lèvres. Un engouement qui lui est venu aussi de par son père tahitien qui a créé une association de danse il y a plusieurs années. Mais l’idée d’en faire un jour son métier n’est arrivée qu’assez tardivement. L’IUT de technicien chimiste vers lequel elle s’est dirigée au cours de ses études, en est la preuve.
De retour à Castres en 2016, après un séjour à Tahiti pour le travail de son mari, elle décide de donner corps à sa passion et d’ouvrir une école de danse tahitienne appelée « Krystel danse tahitienne ». Sur l’île de Polynésie Française, la Tarnaise en avait profité pour se perfectionner dans sa pratique. Elle avait notamment fait le prestigieux conservatoire de Tahiti et participé au célèbre concours « Heiva I Tahiti ». Impossible de démentir aujourd’hui le succès de son école puisque Krystel s’occupe de 90 élèves actuellement. C’est elle qui donne l’ensemble des cours particuliers et collectifs et qui intervient aussi dans des crèches, MJC, établissements scolaires, etc. « Je me souviens, quand j’ai démarré, j’espérais avoir 4 niveaux de cours avec chacun 5 élèves. Ca s’est beaucoup développé parce que cette année, j’ai 7 niveaux avec 16 élèves par cours. » précise-t-elle.
Une danse intense en tous points
La danse tahitienne, tout le monde sait à quoi cela ressemble dans les grandes lignes. Il faut dire que la culture polynésienne est en pleine expansion. Le film Disney « Vaiana, la légende du bout du monde » sorti en 2016, a beaucoup aidé à la faire connaître. Même l’épidémie de Covid n’est pas parvenue à freiner l’intérêt grandissant de la population. Au contraire selon Krystel : « Après avoir vécu des périodes de restrictions, la danse tahitienne, est souvent apparue comme une pratique qui permettait de se libérer. Il y a un côté exotique, joyeux qui plaît beaucoup. Même dans nos costumes on est plus libre qu’ont l’habitude de voir les métropolitains. On se cache moins, il y a moins de tabou mais ça reste très sain et très naturel ».
Ce côté libérateur de la danse attire d’ailleurs beaucoup de femmes en recherche d’une activité qui défoule. Des femmes qui ont parfois des métiers difficiles ou avec des rythmes importants. Objectifs : se vider la tête et se dépasser physiquement. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle sont servies avec la danse tahitienne qui est une danse très exigeante. « Je dis à mes futures élèves, lors de l’inscription, qu’il faut qu’elles s’attendent à un côté sportif assez important. Souvent après le premier cours, elles me disent qu’elles ne s’attendaient pas à ce que ça fasse aussi mal aux cuisses ou à ce que ce soit aussi cardio. » assure la directrice de l’école castraise. Mais alors existe-t-il des compétences à avoir particulièrement ? Pas spécialement… même la souplesse qui est nécessaire, peut s’acquérir avec la pratique. « Faire de la danse tahitienne, c’est accessible à tout le monde. En revanche, si l’on veut évoluer, progresser, acquérir cette mobilité du bassin qui lui est si caractéristique, il y a un critère important : il faut accepter de fléchir. Donc il ne faut pas avoir peur d’avoir mal aux cuisses. » précise toutefois Krystel.
Et le plus beau dans cette danse, c’est que l’effort physique n’est jamais visible. Car oui, elle fait la part belle aux émotions qu’elle se doit de véhiculer. On pense naturellement à la grâce, à la joie mais il y a aussi la colère. La professeure de danse tahitienne évoque également deux aspects de la personnalité des femmes : le côté guerrières et le côté sexy. « Ca leur plaît beaucoup généralement. Le côté guerrière on est tout simplement dans l’air du temps: celui de la femme forte. Quant au côté sexy, certaines viennent indirectement le chercher. Elles s’estiment incapables de mettre des coco sur la poitrine, un paréo… mais à la fin de l’année pour le spectacle de l’école, elles se retrouvent dans ces costumes devant 400 personnes ! » explique Krystel.
Le défi Heiva
À la création de son école de danse, la Tarnaise ne s’imaginait pas un jour participer à ce genre de compétitions. C’est un peu s’éloigner de son concept de base : l’ouverture au plus grand nombre, le tout dans un esprit familial, la valeur première de la danse tahitienne. Mais poussée par ses élèves depuis quelques années, et surtout par le très bon niveau de celles-ci, Krystel a fini par se laisser tenter. « Si j’ai commencé à croire à ce Heiva, c’est parce qu’en face elles ont la même rage que moi, elles ont le même cœur que moi et elles ont la même façon de voir la danse que moi. On peut croire à un projet comme celui-ci quand, en face, on nous rend tout ce qu’on investit soi-même. » s’exclame-t-elle avec enthousiasme. En 2020, elle inscrit donc une troupe issue de son école pour la première fois. À cause du Covid, le concours se déroule en visio… ce qui n’empêche pas les Castraises de terminer 3ème.
4 ans plus tard: que fera la nouvelle troupe estampillée « Krystel danse tahitienne » ? Une chose est sûre, elle met tout en œuvre depuis un an pour faire un bon résultat. Les participantes ont cherché des sponsors pour financer leur déplacement dans la capitale pendant 2 jours et leurs costumes. Elles se sont également préparées activement avec des répétitions en plus des 2h de cours qu’elles ont traditionnellement au sein de l’école chaque semaine. « Participer à un tel évènement, c’est beaucoup de sacrifices. Pas seulement sur l’aspect danse, mais aussi sur le plan personnel. La préparation demande énormément de temps et les filles elles ont un travail, une famille, parfois des études à poursuivre. C’est un sacré investissement. » dit fièrement la professeure.
Vendredi et samedi elles seront donc 10 Castraises sur la scène du Théâtre Bobino à Paris (Krystel, Soana, Carla, Charline, Déborah, Elsa, Alice, Carlito, Virgnie, Emma). Elles seront en lice dans quatre catégories différentes : Mehura et Ote’a. La première consiste en une danse dont les pas doivent coller avec les paroles d’un chant que Krystel a pu choisir (le thème est celui de l’amour). Elles seront 6 pour cette épreuve. La seconde catégorie tourne quant à elle autour de percussions. Parmi 3 musiques imposées, Krystel a pu en sélectionner une et créer une chorégraphie appropriée (sur le thème de la première femme à avoir tressé le pandanus). Pour cette épreuve, elles seront 7 à danser. Enfin, 3 membres du groupe participeront à deux dernières épreuves : deux en duo vahinés et Krystel en solo. Quoi qu’il en soit, les Castraises auront à cœur de faire honneur à la passion de leur cheffe de troupe, directrice, professeure et amie. Et quel que soit le résultat, nul doute que ce sera le cas.