Un tournage de cinéma par temps de Covid.
« Silence, moteur, action » ! François Sers, réalisateur tarnais, a pu prononcer les fameux mots qui ont déclenché le tournage de ce projet nommé « 1170 ». Pourtant tout aurait pu être annulé au dernier moment. Retour sur cette aventure de cinéma au beau milieu d’une pandémie. Un récit de Yann Roques, l’un des auteurs du script du film.
Des hommes costumés, une grue, un steadicam (système stabilisateur de prise de vues portatif) et tout un tas de caméras étaient présents pendant quatre jours aux confins du Tarn et de l’Hérault, tout près de la cathédrale de Saint-Pons -de-Thomières et du village de la Salvetat-sur-Agout. L’objectif était de tourner un court-métrage pour le compte d’une association : la Maisnie des Loups de l’Arn.
L’instigateur du projet est Pierre Lhoste, un maréchal-ferrant médiéviste passionné de reconstitution historique. Avec sa troupe, il célèbre aussi souvent qu’il le peut, ce moyen-âge qu’il aime tant. L’idée du film a germé il y a longtemps mais le Covid est passé par là et comme dans beaucoup de domaines il a retardé la concrétisation de l’oeuvre . L’été 2021 devrait être favorable au bon déroulement de la fête médiévale proposée par Pierre et sa troupe. Elle aura lieu le 26 et le 27 juin à la Salvetat-sur-Agout. C’est dans cette optique que le tournage du court-métrage a été décidé. Il servira de bande-annonce au festival.
Plusieurs semaines ont été nécessaires à l’écriture du projet. L’époque choisie n’est pas très documentée et les rares sources existantes sont complexes à interpréter. Sur les bases proposées par Pierre Lhoste, François Sers (le réalisateur), Claire Devillers (son assistante) et moi-même avons essayé d’écrire un scénario sur ce qu’il s’est passé en 1170 dans cette région montagneuse et froide. Il y est question de Roger Trencavel, de l’abbé de Saint-Pons et de quelques prélats cherchant à trouver la paix entre les deux belligérants.
Le mardi 16 mars, tout était prêt pour débuter le tournage. Les équipes techniques étaient sur les starting blocks, les figurants étaient initiés à leurs rôles, les quelques acteurs professionnels du projet étaient même en route pour le tournage. Mais c’est là que le Covid-19 s’est invité à la fête. L’époque que nous traversons est, en effet, troublée par ce virus qui modifie notre façon de vivre et de travailler. Tout le monde a en tête cette maladie invisible aux yeux et qui parfois frappe violemment. Pour que le tournage ait lieu, il a fallu que tous les participants soient négatifs aux tests PCR. Une « référente Covid », infirmière de son état, a également été embauchée pour juger de la bonne tenue des conditions sanitaires. Il ne fallait prendre aucun risque.
Alors que François et Claire s’apprêtaient à aller à Montpellier pour chercher du matériel cinématographique, la mauvaise nouvelle est tombée pour la jeune femme : elle était positive ! Son monde s’est écroulé en quelques secondes. Elle voyait trois mois de travail se stoppaient net. L’assistante réalisatrice devait se confiner et ne voir personne pendant au moins une semaine. En d’autres termes, pas de tournage pour elle ! Tous les yeux se sont tournés, par la suite, vers François, le réalisateur. S’il était, lui aussi, testé positif… tout le projet aurait du être annulé. Heureusement cela n’a pas été le cas et le tournage n’a finalement souffert que de deux jours de retard.
La cathédrale de Saint-Pons-de-Thomières a servi de décors aux premières scènes tournées avec les comédiens Nicolas Gruber, François Muller, Jean-Pierre Clani ou encore Simon Zuili-Wattenberg. Les équipes de Bons Sens Productions, équipées de matériel professionnels, ont sublimé les lieux.
Après un tournage en nocturne sur la commune d’Anglès dans le Tarn, toute l’équipe s’est ensuite dirigée sur la commune de La Salvetat-sur-Agout où la chapelle de Saint-Etienne de Cavall a servi d’écrin aux scènes principales du court-métrage.
Le dimanche 21 mars, c’était le jour du printemps, mais à voir le temps qu’il faisait près du pont Saint-Etienne de Cavall, on ne le croyait pas. Le ciel était couvert et la température ne dépassait pas les 3 degrés. Le vent qui soufflait en bourrasques accentuait la sensation de froid. Tout le monde était habillé comme dans le Grand Nord. Bonnets, écharpes, gants, blousons auxquels il fallait rajouter les fameux masques. Il fallait avoir l’œil pour différencier les gens. Seuls les figurants costumés se démarquaient dans cette atmosphère glaciale.
Ce 21 mars, c’était le dernier jour de tournage. Tout le monde était un peu fatigué, mais toujours heureux de se prendre au jeu d’une reconstitution historique. François Sers, le réalisateur, mène d’une main de fer dans un gant de velours cette joyeuse équipe. Au total ce sont près de 50 personnes qui ont été présentes sur les lieux : figurants, acteurs, techniciens et même du public curieux de voir comment se déroule un tournage. Le pont moderne a permis aux équipes de diriger de loin avec une visibilité parfaite du plateau (lieu où se tournent les scènes).
Le pont Saint-Etienne de Cavall de La Salvetat-sur-Agout, d’origine médiévale mais fortement remanié au XVIIe siècle, n’avait jamais connu de tournage de cinéma. C’est désormais du passé. Un drone a effectivement survolé l’ouvrage de pierres pour filmer spectaculairement les figurants qui simulaient des combats. Les coups clinquants des épées répondaient aux injonctions du réalisateur. Le spectacle était magnifique !
Le tournage s’est terminé en fin d’après-midi après quatre jours intenses. Un labeur bien plus discret a maintenant démarré. Celui de la post-production (le montage, le mixage audio, l’étalonnage…). Un long travail devant les ordinateurs de Bon Sens Productions. Le court-métrage devrait être visible sur YouTube d’ici quelques semaines. Il pourrait servir de pilote à un projet de plus grande envergure si les producteurs trouvent les financements nécessaires.
Finalement, malgré la pandémie qui faisait peser une atmosphère lourde, le tournage a pu se concrétiser sans trop de péripéties. Tout le monde a été heureux de se retrouver pour partager des moments joyeux autour d’un projet qui a le mérite de mettre en exergue une période méconnue et pourtant fascinante de l’histoire occitane.