Un chercheur français a découvert, il y a quelques mois, un procédé qui permet le recyclage de batteries de voitures électriques grâce à des bactéries.
Il s’appelle Sébastien Farnaud et il a notamment fait une partie de sa scolarité à Barral, le lycée privé castrais.
Après la poursuite de ses études à Toulouse, l’homme a fait partie de la première vague d’échange européen « Erasmus ». C’est dans ce cadre, qu’il est arrivé en 1990 en Angleterre. Un pays qu’il n’a plus quitté depuis. C’est là-bas qu’il a passé son doctorat en biologie moléculaire et qu’il a démarré sa carrière d’enseignant/chercheur universitaire. Depuis un peu moins de 10 ans, il est professeur de bio-innovation et d’entreprise à l’université de Coventry. Il y a un peu moins d’un an, ses recherches l’ont amené à découvrir le rôle majeur que pourraient jouer des bactéries dans la filière du recyclage des batteries de voitures électriques.
Des enjeux de taille
Avant de parler concrètement de la solution, faisons un point sur le problème. Vous n’êtes pas sans savoir que tous les gouvernements ou presque planchent sur des solutions pour freiner le dérèglement climatique. L’une d’elles consiste à bannir les véhicules thermiques pour les remplacer par des véhicules électriques. L’idée est bonne mais elle soulève d’autres problématiques. Celle des matériaux d’abord. « Quand on regarde les moteurs de voitures électriques on constate une chose : ils sont composés de lithium, de cobalt etc. Or, tout le monde sait désormais que ce sont des métaux de plus en plus rares. » amorce Sébastien Farnaud. Il y a donc le risque de ne pas en avoir assez alors même que la planète entière va en avoir besoin de manière massive. « De plus, la façon dont sont extraits ces métaux, notamment en Afrique, n’est pas acceptable éthiquement. » ajoute le professeur. Nous pouvons, en effet, voir des enfants réduits en esclavage dans certains pays.
Ensuite, si les moteurs électriques présentent l’avantage de ne produire quasiment aucun déchet pour l’environnement au cours de leur utilisation, la question du recyclage n’est pas anodine. Sébastien Farnaud précise : « A l’heure actuelle, pour recycler les métaux, soit on utilise des acides très forts qui polluent l’environnement avec des émanations qui sont terribles, soit on utilise des sources de chaleur énorme où la encore y a un impact de pollution gigantesque ». S’ajoute à cela, l’efficacité limitée de ces techniques. En clair, elles ne permettent pas de recycler 100% des moteurs mais seulement une partie.
Enfin, il faut bien comprendre qu’à l’image du plastique, nous avons a déjà des montagnes d’autres déchets. C’est le cas notamment des déchets électroniques. Près de 50 tonnes de matériels sont produits tous les ans. Pour le professeur à l’université de Conventry, en matière de moteurs électriques, nous n’avons pas encore cette montagne de déchets. « Il faut donc, dès maintenant, commencer à réfléchir à comment se débarrasser de ces futurs déchets tout en trouvant comment les utiliser en tant que ressources. Dans l’immédiat nous ne sommes pas prêts du tout. » dit-il.
Les bactéries comme solution crédible
Utiliser des bactéries pour recycler des métaux, cela n’a rien de nouveau. Cette méthode appelée « bioleaching » est utilisée depuis les années 50/60 dans l’industrie minière. Mais jusqu’alors, personne n’avait pensé à l’utiliser dans le secteur du recyclage. Il y avait bien quelques groupes de recherches dans le monde mais qui sont restés à un niveau académique. « Mon équipe et moi, nous avons voulu aller plus loin. Ce qui nous a intéressé c’est de travailler directement avec des compagnies qui sont en charge du recyclage. Elles sont purement mécaniques et n’avaient donc aucune idée des procédés biologiques et microbiologiques. » explique Sébastien Farnaud.
Le procédé consiste donc à mettre des bactéries en contact avec des métaux. Celles-ci sont capables indirectement ou directement d’oxyder les métaux. Nous en trouvons de plus en plus qui ont cette capacité. « Et comme tous les métaux sont à priori oxydables, en fait ça peut s’appliquer à tous les métaux. Dans notre laboratoire, on a démontré que le lithium, le cobalt, le manganèse, le nickel (les métaux de base pour les moteurs électriques) peuvent tous être concernés par ce procédé. » annonce le chercheur.
Le bioleaching présente aussi au moins deux autres éléments de satisfaction, même si les recherches doivent encore être approfondies. D’une part, les métaux peuvent être recyclés indéfiniment. C’est à dire que le procédé permet de viser un état de pureté maximal des métaux. Sébastien Farnaud dit avec enthousiasme : « Partant de ce constat là, ça veut dire que les métaux peuvent être réutiliser en électronique mais aussi dans tous les domaines ». D’autre part, avec cette méthode, l’intégralité des batteries pourraient ainsi être recyclées. Le professeur en université britannique tempère toutefois : « Les technologies se développent tellement rapidement que rien nous dit qu’en 2030 ou 2050 on aura des batteries basées sur le lithium. Il y a déjà des compagnies qui développent des moteurs dont les électrolytes n’ont rien à voir avec ceux actuellement utilisés ».
Quel avenir pour cette découverte ?
Nous l’aurons compris, il y a urgence à agir. Et une telle avancée est une occasion à ne pas rater. D’autant qu’elle a l’avantage de ne pas être coûteuse, à l’heure où les considérations financières sont souvent difficiles à concilier avec les enjeux environnementaux. Sébastien Farnaud insiste : « Le procédé met en jeu des bactéries qui ne coûtent rien du tout et qui ne sont pas toxiques. Les milieux qu’on utilise ne sont pas coûteux du tout. La façon dont on les cultive, c’est à dire à des températures entre 25 et 35 degrés, ne représente pas de coût énorme en terme de production d’énergie. Les machines utilisées ne sont pas, là encore, un investissement insurmontable. Au point de vue du coût, le bioleaching est préférentiel à bien d’autres méthodes ».
La balle est désormais dans le camp des constructeurs des moteurs. Pour le moment, ils sont très peu en relation avec les recycleurs. Ils ne communiquent ensemble qu’une fois les batteries réalisées et même utilisées. « Toutes les batteries électroniques n’ont pas les mêmes technologies et les mêmes métaux. Elles n’ont pas non plus les mêmes boulons pour les ouvrir. Il n’y a que si les constructeurs considéreront dans leurs design, comment va être le recyclé le moteur, qu’on pourra arriver à quelque chose. » estime l’ancien castrais.
Mais l’espoir est de mise. La protection de l’environnement est prise au sérieux par la communauté internationale. « Il y a dix ans ou 20 ans, le monde n’était pas prêt. Je crois que c’est le bon moment maintenant. Depuis qu’on a démarré, ça a fait tellement de bruit que des gens m’ont contacté de tous les pays (Europe, USA, Indonésie, Japon). Le chemin est encore long mais il faut être positif. Il faut ne pas baisser les bras ». conclut avec optimisme, Sébastien Farnaud.