Le dernier guillotiné en public du Tarn est le sujet d’un livre rédigé par l’historien albigeois Yann Roques.
Il s’appelait Henri Besse. Toute sa vie, de la fin du 19ème siècle au début du 20ème siècle, il a volé pour survivre. Jusqu’au jour où la justice le condamne à la peine capitale. Ce bandit originaire de Castres a eu la tête coupée, devant près de 10 000 curieux, en février 1909 à Albi. Il avait 32 ans. Après lui, il n’y aura plus aucune exécution en public par la guillotine dans le département. L’ouvrage de Yann Roques, « Henri Besse, de Charybde en Scylla » retrace son parcours.
Une sorte de légende locale
« Si tu savais, Besse… ». Ces mots plein de mystère, Yann Roques les a entendus de nombreuses fois au cours de son enfance. Et pour cause, le voleur a sévi à moins d’un kilomètre de là où l’historien a grandi, dans un château de Lombers. Depuis, les frasques d’Henri Besse sont restées dans la mémoire collective de ce village. « Depuis que je suis petit, j’ai toujours entendu son nom. « Si tu fais du mal, tu finiras comme Besse ! » me disaient mon grand-père ou mon père. C’était un peu comme un personnage mythique. » se souvient l’auteur.
Le souvenir du brigand a donc traversé les générations pour l’ensemble de son œuvre mais aussi et surtout pour son triste sort. Il faut dire qu’une tête tranchée devant une dizaine de milliers de personnes cela a de quoi imprégner l’histoire d’un territoire. La scène a d’ailleurs marqué ceux qui y avaient assistés. Yann Roques se rappelle que le père d’un de ses voisins d’enfance avait vu Besse se faire décapiter. « Il avait tellement été marqué qu’il avait parlé toute sa vie du trauma que ça avait engendré. » explique-t-il. Et il ajoute : « Son fils n’avait pas vu la guillotine mais c’était comme si, tellement son père en avait fait le récit ».
Une vie pauvre, faite de débrouille et de vols
L’ouvrage de Yann Roques nous transporte dans une époque dure. Celle-ci est indissociable du parcours d’Henri Besse né dans une famille d’agriculteurs très pauvres à Montpinier, près de Lautrec. Son père est mort alors qu’Henri était encore petit. Sa mère avait plusieurs enfants et ne s’occupait pas spécialement de lui. L’historien a même découvert des témoignages qui laissent à penser qu’il aurait pu être maltraité. Très vite, le jeune Besse va donc se tourner vers la rue et faire de mauvaises rencontres. « Il a commencé à voler avec les copains et il a fait ses premiers séjours en prison assez rapidement. » indique l’auteur. En parallèle, le voleur tarnais s’est coupé de sa famille. « Ce n’était pas un grand bandit comme on se l’imagine. Il volait du saucisson, 50 centimes par là, un parapluie… Il vole pour survivre tout simplement. » précise Yann Roques.
Et pour survivre, l’homme fait preuve d’une ingéniosité rare. Il savait mentir comme personne, il embobinait son monde. En véritable caméléon, il s’inventait de nombreuses vies et ne donnait jamais son vrai nom. « Il se faisait souvent passer pour un militaire, parfois même retraité alors qu’il avait 25 ans. Et tout le monde le croyait ! » raconte avec un brin de fascination, l’historien. Il avait une intelligence sociale hors pair continue l’auteur : « Quand il était avec un paysan, il parlait comme un paysan. Il parlait d’ailleurs très bien l’occitan. Et s’il allait en ville, auprès des bourgeois, il s’habillait bien, avec des vêtements volés ». Il s’adaptait aux personnes qu’il allait voir. La vie d’Henri Besse est on ne peut plus romanesque. Yann Roques a d’ailleurs, un temps, envisagé d’en faire un roman écrit à la première personne. « Finalement, je me suis dit que la réalité était tellement surréaliste qu’il n’y avait pas besoin.
Il s’est inventé une vie. Il a mené une vie d’aventures. Sa vie était un roman. » dit-il avec conviction.
Pierre Simorre, celui par qui tout a basculé
Mais alors pourquoi Henri Besse a-t-il été exécuté, si toute sa vie il n’a fait que voler ? La sentence semble disproportionnée. Nous apprenons en fait, dans « Henri Besse, de Charybde en Scylla » , que son destin est lié à celui d’un autre personnage, Pierre Simorre. Lui, c’était un mauvais gars. Il avait violé une fille dans le Sud du Tarn. Les deux hommes se sont rencontrés à la prison d’Albi alors qu’Henri Besse vient d’être condamné à 20 ans de travaux forcés au bagne. Ensemble, les deux hommes vont tenter de s’évader. Et c’est là qu’un drame est intervenu. Simorre a tué un gardien et les deux détenus ont été condamnés à mort. Ils ont été guillotinés le même jour.
Et si vous êtes adeptes des histoires incroyables, lisez bien ce qui va suivre. Le jour du vernissage de son livre, le 18 novembre dernier, Yann Roques a présenté au public une…découverte. « Par des circonstances absolument folles, on m’a prêté, le jour même du vernissage, le crâne d’un homme décapité qui provient de la
prison d’Albi. » explique-t-il. « Ce crâne, après expertise, il y a de fortes chances que ce soit celui de Pierre Simorre, l’acolyte d’Henri Besse. » conclut-il. Des signes distinctifs du crâne viennent confirmer cette théorie. Incroyable mais vrai !
Une longue enquête très documentée
Yann Roques est habitué aux recherches. Fouiller dans le passé, ce n’est pas un exercice qui lui fait peur, au contraire. Et pour retracer la vie d’Henri Besse il n’a pas rencontré trop de difficultés. C’est principalement aux archives départementales du Tarn qu’il a pu obtenir des informations, notamment concernant son dernier procès, celui aux Assises du Tarn. L’historien a aussi cherché un peu partout où le héros de son livre avait volé. Il explique : « J’ai trouvé des documents dans les archives de l’Aude et de l’Hérault. En Espagne je n’ai rien trouvé mais je sais qu’il y est allé plusieurs fois probablement pour receler des choses volées ».
La presse des années 1900 a également été une source énorme de documentations. Les méfaits des voleurs et autres crimes faisaient les choux gras des journaux qui en faisaient le récit avec une écriture et un ton propres à l’époque. Enfin, Yann Roques a pu avoir accès à des archives privées ou encore traiter avec des collectionneurs. C’est ainsi qu’il a pu notamment obtenir des dessins inédits de la guillotine faits le jour de l’exécution en 1909 à Albi. Des dessins qui viennent illustrer son ouvrage. Notez que Grégory Cruz, illustrateur de bandes dessinées à participer à l’ouvrage « Henri Besse, de Charybde en Scylla ». Grâce à son coup de crayon de talent, il est venu mettre en images certaines scènes du récit.
L’auteur a aussi été sur le terrain. Dans le château de Lombers notamment (dont on parle en début d’article). Il se rappelle d’ailleurs avec amusement d’une de ses visites en compagnie des actuels propriétaires des lieux : « Avant même de rentrer, je leur ai dit : « elle existe toujours la chambre rose ? » Ils m’ont regardé avec des yeux et m’ont demandé comment je connaissais cette pièce. Je leur ai répondu : « Vous savez, il y a quelqu’un qui a volé chez vous, il y a 110 ans. Comme je connais un peu sa vie je connais aussi les endroits qu’il a fréquentés. » Ils n’en revenaient pas ! ».
Pour la petite anecdote, Yann Roques s’était juré que la biographie d’Henri Besse serait son premier livre. Il a commencé à travailler dessus il y a plus de 10 ans. Mais entre temps, il a découvert le journal de guerre d’un de ses ancêtres. Il a immédiatement souhaité rédiger quelque chose sur lui, comme un hommage (« Damien Doat, un cavalier pendant la première guerre mondiale » a été publié en février 2020 aux éditions Savoir est un Devoir). Ce n’est qu’avec le confinement qu’il s’est remis sur le dossier « Besse ».
« Henri Besse, de Charybde en Scylla » aux éditions Savoir est un devoir. 20 euros. Vous pouvez pour le procurer à l’Intermarché de Réalmont, chez les buralistes Pinier (avenue Colonel Teyssier) à Albi ou en le commandant directement auprès de l’auteur via le mail yanndavincicorp@gmail.com